Le logo de la plateforme vidéo Netflix.
Le logo de la plateforme vidéo Netflix. © Nicolas Liponne / Hans Lucas via AFP

En commençant à partir de 2021 à déclarer en France et non plus aux Pays-Bas son chiffre d'affaires réalisé dans l'Hexagone, Netflix entendait montrer patte blanche au fisc français. L'administration fiscale garde toutefois dans ses radars le géant américain du streaming. Selon nos informations, sa filiale française, Netflix Services France SAS, fait depuis 2022 l'objet d'un contrôle fiscal portant sur les années 2019, 2020 et 2021.

Sur ces deux premiers exercices, les clients français de Netflix contractaient encore avec une société néerlandaise, Netflix International BV, lorsqu'ils s'abonnaient à la plateforme. Les limiers de Bercy devraient se pencher sur ce montage d'optimisation fiscale, qui a permis à la multinationale de réduire à la portion congrue ses revenus déclarés en France, et donc sa fiscalité. Entre 2019 et 2020, Netflix Services France a ainsi dû au total débourser seulement 981 000 euros d'impôts sur les bénéfices. Une charge minuscule compte tenu des quelque 7 millions d'abonnés revendiqués au même moment en France par le mastodonte californien.

Une fois ce montage abandonné, le chiffre d'affaires déclaré par Netflix en France a mécaniquement bondi en 2021. Il s'élevait alors à 1,2 milliard d'euros, contre seulement 47,1 millions d'euros en 2020. Ces revenus ont encore progressé en 2022 pour atteindre 1,3 milliard d'euros. Un chiffre en adéquation avec les plus de 10 millions d'abonnés français annoncés en juin 2023 par le PDG de Netflix, Ted Sarandos.

Une facture toujours allégée

Mais en épluchant les comptes de cet exercice 2021, les agents du fisc entendent vérifier si, malgré cette bonne volonté apparente, Netflix n'a pas continué à minimiser de façon abusive ses bénéfices et donc sa feuille d'impôt. Comme l'avait déjà remarqué Capital à l'époque, le service de vidéo par abonnement arrivé en France en 2014 y a dégagé une marge opérationnelle microscopique en 2021 : moins de 2 %, quand celle de sa maison mère américaine atteignait 20 %. Et cet écart a persisté en 2022, d'après les comptes Netflix Services France consultés par La Lettre A. Sur cet exercice, l'entreprise a encore payé seulement 6,5 millions d'euros d'impôts sur les bénéfices. Or, l'ardoise aurait atteint 65 millions d'euros si sa rentabilité avait été identique à celle de sa maison mère.

En réalité, la plateforme grève volontairement ses profits en France en refacturant une grande partie de son chiffre d'affaires à d'autres entités de Netflix à l'étranger. Une pratique d'optimisation fiscale légale, tant que ces "prix de transfert" restent conformes à ceux appliqués par d'autres entreprises comparables. Pour en avoir abusé, plusieurs géants américains du numérique tels que Google, Apple, Facebook et Amazon ont été contraints de signer de gros chèques à Bercy ces dernières années, depuis un raid mené en 2012 par le fisc.

Au terme de ce contrôle fiscal, Bercy décidera d'infliger ou non un redressement à Netflix. Contactées, ni la plateforme, ni la Direction générale des finances publiques (DGFIP) n'ont souhaité faire de commentaire. 

Alexandre Berteau
© Copyright La Lettre. Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web) sans autorisation écrite -