Le propriétaire de Valeurs actuelles, Iskandar Safa.
Le propriétaire de Valeurs actuelles, Iskandar Safa. © Patrice Lapoirie/Nice-Matin/PhotoPQR/MaxPPP

Le climat se tend encore au sein de l'hebdomadaire d'extrême droite Valeurs actuelles. Son propriétaire, Iskandar Safa, vient de franchir une étape supplémentaire dans la reprise en main de la rédaction en remerciant Charles-Antoine Rougier, le lieutenant qu'il avait placé en novembre à la tête de Valmonde, la maison mère du magazine. Six mois seulement après sa nomination, cet industriel de 67 ans, ami de longue date de l'homme d'affaires franco-libanais, a annoncé jeudi 25 mai son départ en interne, visiblement ému. Il est remplacé par Jean-Louis Valentin, l'ancien président (Les Républicains) de l'agglomération de Cherbourg, où est basé le chantier naval Constructions mécaniques de Normandie (CMN), détenu par Iskandar Safa.

En pleine crise à la tête de Valeurs actuelles, Charles-Antoine Rougier avait été appelé par Iskanda Safa pour cornaquer le directeur de la rédaction, Geoffroy Lejeune. Critiqué par l'actionnaire et son entourage pour la "zemmourisation" du journal, l'intrépide trentenaire venait d'échapper à son éviction en mobilisant ses journalistes et ses lecteurs les plus à droite (LLA du 26/10/22). Il avait toutefois perdu la main sur les finances et la direction de la publication du titre, confiés à Charles-Antoine Rougier (LLA du 24/11/22).

Le journal encore jugé trop à droite

Mais ce dernier n'est pas parvenu à mener assez rapidement le recentrage de la ligne éditoriale de Valeurs actuelles aux yeux de l'actionnaire. Ces derniers mois, Charles-Antoine Rougier s'était même à l'inverse rapproché de la rédaction, qu'il a pris soin de consulter assidument dès son arrivée. Les journalistes appréciaient l'implication de cet homme affable, dont la présence dans les locaux détonnait avec les plus rares apparitions de son prédécesseur, Erik Monjalous, aujourd'hui à la tête du conseil de surveillance Pidevmedias France, la holding de Valmonde.

Troublés par cette bonne entente apparente, les proches d'Iskandar Safa, membres de ce même conseil de surveillance - également composé de Charles Villeneuve, Francis Morel et Paul Onillon - ont fini par douter de la capacité de Charles-Antoine Rougier à recadrer Geoffroy Lejeune. Les charges récentes de l'hebdomadaire contre le ministre de l'éducation nationale Pap Ndiaye, l'interview, sur la chaîne YouTube de Valeurs actuelles le 17 mai, d'un représentant de la manifestation néofasciste du Comité du 9-Mai (C9M) et d'un militant de l'Action française, ou encore le partenariat noué en février avec le nouveau média prorusse et identitaire Omerta n'ont pas été du goût de ce premier cercle.

Guerre en vue

Enarque, directeur de cabinet de l'ex-président de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré, Jean-Louis Valentin aura donc pour mission de réorienter dans les faits Valeurs actuelles vers une droite plus traditionnelle. Cette recrue est un proche de Charles Villeneuve, qui l'avait déjà placé au comité éditorial du Spectacle du monde, autre revue du groupe Valmonde. Les deux hommes sont liés par le ballon rond : Jean-Louis Valentin était le numéro deux de la Fédération française de football (FFF) quand Charles Villeneuve présidait le Paris Saint-Germain entre 2008 et 2009.

Les journalistes de Valeurs actuelles devraient réserver un accueil glacial à leur nouveau numéro un. Alors que la situation n'a jamais été aussi houleuse, les prochains mois risquent de voir s'affronter le clan des fidèles d'Iskandar Safa et la rédaction emmenée par Geoffroy Lejeune. Au point de faire imploser le journal ?

Alexandre Berteau
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