Le futur directeur général de Casino, Philippe Palazzi.
Le futur directeur général de Casino, Philippe Palazzi. © Joël Saget / AFP

Qu'il est parfois difficile de ne pas démarrer avant le coup d'envoi quand le sifflet met tant de temps à retentir. Avant même la validation par le tribunal de commerce du projet de plan de sauvegarde de Casino, son futur directeur général, Philippe Palazzi, a réuni en toute discrétion son premier brouillon de comité exécutif vendredi 2 février.

Au-delà du timing, plutôt surprenant dans la mesure où le dirigeant n'a pas encore été adoubé par le conseil d'administration et que les représentants syndicaux n'ont donc pas encore été informés, cette réunion a eu comme effet de plonger tout le monde dans le désarroi, les absents comme les présents.

Les élus et les mis au ban

Ce "shadow comex" avait en effet tout de la réunion secrète. Il s'est tenu de 8h30 à 10h30, dans la salle de réunion du rez-de-chaussée de White & Case, le cabinet d'avocats qui accompagne Daniel Kretinsky, le principal actionnaire du groupe Casino désendetté. Loin du siège parisien du 134, boulevard Haussmann, où l'actuel PDG, Jean-Charles Naouri, vient encore régulièrement.

Les non-invités, qui ont eu connaissance de cette réunion tardivement la semaine dernière, ont été les premiers désarçonnés. Parmi eux, il y a le directeur financier, David Lubek, le directeur général adjoint, Julien Lagubeau, le secrétaire général, Guillaume Appéré, ou encore le directeur de la RSE, Matthieu Riché. Même s'ils ont déjà négocié leur départ, ces quatre-là font encore partie de l'entreprise et ont été fort marris de ne pas avoir été conviés, ne serait-ce que pour assurer la transmission des dossiers.

Parmi leurs futurs ex-collègues, ceux aspirants à rester dans le groupe, le directeur des achats, Hervé Daudin, la DRH, Raphaële Hauzy, ou encore la directrice fusions et acquisitions, Esther Bitton, se sont vus confirmés dans leurs fonctions par leur présence chez White & Case. Les patrons d'enseigne, eux aussi, étaient tous là. Même si le sort de Guillaume Sénéclauze à la présidence de Monoprix et Naturalia est toujours en suspens (LL du 23/01/24).

Le repêchage surprise

Les trois petits nouveaux, le futur directeur financier, Éric Riegger, le futur directeur des opérations, Alfred Hawawini, et le futur directeur de la communication, Christophe Piednoël, ont été particulièrement observés par le reste de l'assemblée. Leur arrivée avait certes été annoncée en décembre par La Lettre (LL du 18/12/23), mais ils n'avaient pas encore été aperçus au siège. L'absence de responsable de la RSE à la réunion laisse présumer que Christophe Piednoël chapeautera ce volet-là.

La surprise est aussi venue de la présence de l'actuel directeur adjoint aux finances, Stéphane Van Box Som. Ce quadra a passé dix-neuf ans chez EY comme commissaire aux comptes de Casino avant d'être embauché par le groupe en 2019, d'abord dans les équipes de Julien Lagubeau, puis dans celles du DAF, David Lubek. Depuis quatre ans, il a notamment été chargé de trouver des voies créatives pour afficher des résultats agréables devant les analystes. Fidèle d'entre les fidèles de Jean-Charles Naouri, il permettra au patron déchu de garder une passerelle avec l'entreprise.

Mais il a sans doute aussi été gardé par les nouveaux arrivants pour sa connaissance des arcanes financiers du groupe, alors que David Lubek, trop visible, ne pouvait pas rester. D'autant que l'Autorité des marchés financiers (AMF) n'a pas fini son enquête sur la présomption de "manipulation de cours" (LL du 09/10/23). Stéphane Van Box Som sera-t-il vraiment intronisé au comex ? Aura-t-il le titre de secrétaire général laissé vacant ? Tout n'est pas encore décidé. La présence d'Estelle Cherruau, actuelle directrice des affaires sociales du groupe, laisse également présager une promotion.

C'est qui le patron ?

Parmi les présents, le message de Philippe Palazzi a été très diversement apprécié. Voulant sans doute marquer sa prise d'autorité après son impressionnant prédécesseur et six longs mois d'attente, il a joué les gros bras et a demandé à tous de se mettre sérieusement au travail. "Vous étiez dans une barque sur le lac de Côme, il va falloir apprendre à pêcher au gros", a-t-il averti.

L'ancien directeur général de Lactalis et directeur des opérations du groupe Metro a aussi expliqué qu'il serait le seul habilité à parler à la presse dans les prochaines semaines et a demandé à tous de cesser leurs interviews. Faisait-il référence à celle que venait d'accorder Guillaume Sénéclauze au Figaro, publiée le 4 février, ou à celles, nombreuses, données par la directrice générale des enseignes Casino, Magali Daubinet-Salen, en fin d'année dernière ?

Une chose est sûre, cette stratégie bien connue des professeurs, de taper un grand coup sur la table dès la rentrée pour s'assurer le respect futur de la classe, a mis toute l'assistance sous tension. Et ce, bien que ce professeur ne soit pas encore réellement en droit d'exercer.

Sophie Lecluse
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