À gauche : Michel Biero et Dominique Schelcher. À droite : Yves Claude et Thierry Cotillard.
À gauche : Michel Biero et Dominique Schelcher. À droite : Yves Claude et Thierry Cotillard. © Thomas Padilla/Alexis Sciard/MaxPPP//Sylvain Lefevre/Eliot Blondet/Abacapress/Reuters

Rien ne va plus, les jeux sont faits. Le dépôt des offres pour la reprise de la branche hypermarchés et supermarchés du groupe Casino était attendu pour hier, mercredi 29 novembre, par le PDG, Jean-Charles Naouri. Et ces offres se révèlent riches en surprises.

Selon les informations de La Lettre, la plupart des distributeurs, à l'exception de E.Leclerc, ont cherché, et réussi, à s'unir pour proposer une offre de reprise globale de l'ensemble des 50 hypermarchés et 290 supermarchés sous enseigne Casino encore disponibles. Seul Carrefour n'est pas parvenu à trouver de confrère avec lequel s'allier.

En effet, après avoir reçu la visite des banquiers de Rothschild, principale banque d'affaires du groupe Casino, qui, comme le révélait La Lettre ce mardi, a été missionnée depuis moins de trois semaines sur cette vente, tous les acteurs du secteur se sont rapidement mis en mouvement (LL du 28/11/23).

Jeux d'alliances

Yves Claude, le PDG d'Auchan Retail, avec la bénédiction de Barthélémy Guislain à la tête de l'Association familiale Mulliez (AFM), a topé avec Thierry Cotillard, président de la Société Les Mousquetaires (SLM). Le groupe intégré du Nord et la coopérative de Bondoufle (Essonne) proposent de reprendre l'intégralité des quelque 260 magasins intégrés et plus de 70 en franchise de l'enseigne Casino. Ils réfléchissent déjà à la répartition des formats et des emplacements en fonction des leurs. Ils reprendraient aussi l'ensemble de la logistique actuelle du groupe. Mais cela s'ajouterait aux trois lots de près de 200 points de vente Casino déjà promis au groupement des Mousquetaires. Au risque de provoquer une indigestion pour les 3 000 adhérents.

Le groupement d'indépendants E.Leclerc, sous la houlette de l'un de ses trois coprésidents, Philippe Michaud, a, quant à lui, décidé de faire cavalier seul et de déposer une offre partielle. Surprise : elle contient une partie des hypermarchés mais aussi de nombreux supermarchés, un format inhabituel dans le groupe incarné par Michel-Édouard Leclerc.

Reste à savoir quelle stratégie ont adopté Lidl et Super U. Dominique Schelcher, le patron de la coopérative, a démenti ce matin avoir concrétisé un projet d'alliance avec le discounter allemand (voir précision de la rédaction en bas de ce papier).

Solitude contrainte

Enfin, Carrefour, qui semblait ces derniers jours vouloir prendre son temps, a, en fait, cherché un groupe concurrent avec lequel s'associer. Sans trouver personne. Selon nos sources, c'est le directeur financier, Matthieu Malige, et le secrétaire général, Laurent Vallée, qui ont tapé aux portes, accompagnés parfois du PDG, Alexandre Bompard, pour rencontrer les présidents. Mais personne n'a donné suite à leurs sollicitations.

Les raisons d'un tel rejet paraissent multiples. La mésentente notoire entre Alexandre Bompard et Jean-Charles Naouri depuis leur tentative avortée de rapprochement en 2018 a pu dissuader les prétendants. Ce volet psychologique pourrait valoir un recalage d'office. Le choc culturel entre le top management de Carrefour et ses potentiels partenaires a également joué. La garde rapprochée d'Alexandre Bompard est perçue par certains comme une équipe d'"énarques hors sol" susceptibles de changer de carrière et de secteurs dans un an ou deux, non comme des commerçants. Le rachat cette année des enseignes Cora et Match, encore à intégrer, peut aussi représenter un frein.

Esseulé, le numéro deux de la grande distribution s'apprête ainsi à déposer, comme le numéro un E.Leclerc, une offre de reprise partielle. Le groupe Casino pourrait donc également choisir de faire converger ces offres. D'autant qu'Aldi ne se résout, lui aussi, qu'à une proposition partielle de reprise sur les supermarchés, n'étant pas satisfait des résultats de son rachat récent de Leader Price.

Tout s'est en tout cas bel et bien accéléré ces deux dernières semaines. Alors que jusqu'ici Jean-Charles Naouri traînait des pieds pour lancer le démantèlement exigé depuis l'été par son consortium de repreneurs, sa dernière alerte sur résultats ne lui a plus laissé le choix. La trésorerie est tellement abîmée que c'est maintenant plus de 2 milliards d'euros qui devront être réinvestis. Or Daniel Kretinsky – et encore moins ses partenaires Marc Ladreit de Lacharrière (Fimalac) ou encore Jan-Christoph Peters, fondateur du fonds Attestor – n'envisage pas de se saigner pour maintenir l'intégrité du groupe.

Précision de la rédaction le 30/11/23 à 10 h : après l'annonce par La Lettre d'une alliance entre Lidl et Super U, le patron de la coopérative, Dominique Schelcher, a démenti toute alliance avec le discounter allemand. L'article a été modifié en ce sens.

Sophie Lecluse
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